Atelier du 28/10/18 – Educ’Art
Pfiou…
Quelle journée…
Grise…
Une journée grise…
Encore une.
Pas mécontente de te rejoindre, Morphée.
En espérant que tu arrives à trouver le bouton off de mon cerveau.
Le feu dans la cheminée crépite chaleureusement,
Odeurs de chocolat chaud et de cannelle,
Instant cocon,
Mes paupières lourdes.
Et je tombe.
Je m’affale dans un velours qui me semble sans fond,
C’est doux,
C’est noir.
Ou peut-être bleu.
Bleu-nuit.
Un fond.
Un fond lumineux,
Et du bois.
C’est une porte là ?
On dirait une porte…
De celles qui paraissent être plus vieilles que le monde.
Elle aussi, elle est bleue,
Turquoise délavé,
Comme si la lumière aveuglante surgissant du fond de l’abîme et de son entrebâillement
avait réussi à abîmer sa couleur,
À la rogner.
Entrebâillée mais bloquée.
Moi aussi la luminosité me rogne,
Elle me rogne d’une curiosité incontrôlable,
Elle m’abîme.
Et le velours-cocon de ma chute derrière m’oppresse,
J’ai besoin de respirer,
Apnée.
Ma respiration retenue, chacun de mes membres s’affine.
Je deviens ficelle,
Ficelle bien assez écrasée pour me faufiler.
Le souffle me manque,
Cette lumière, j’en ai besoin,
Elle m’attire,
Je suis l’insecte-ficelle de nuit qui recherche le jour.
Ficelle faufile, plonge dans l’entrebâillement aveuglant.
Mes yeux s’habituent sur une forêt,
Son oxygène me nourrit,
Me redéploie.
Une forêt bleue, comme toutes les forêts.
Au loin, une clairière.
Rouge.
Sang.
Rouge vortex
Sang aspirant.
Et en deux pas j’arrive en son centre.
Mais que fait cet hêtre là ?
Que fait cet hêtre ici ?
Il n’est pas bleu,
Il n’est pas rouge,
Il n’est pas
Descriptible.
Je ne connais pas cette couleur,
Je ne l’avais jamais vu avant.
J’ai envie d’être ce hêtre,
Qu’il m’accepte,
Que l’on fusionne,
Que mes racines se connectent aux siennes.
Etre happée par cette indescriptible couleur.
La devenir.
M’y fondre.
Tiens, il y a soudainement du mouvement dans mes feuilles.
Combien de temps je suis restée là ?
Depuis quand je suis le hêtre ?
Mon bois craque sous le poids plume d’un être.
Je la sens son aura,
Elle est dans la mienne.
On se jauge,
On se juge,
Il y a un message,
Un message important,
Je dois quitter mon hêtre pour le recevoir,
Grimper dans mes branches et aller à sa rencontre.
Un corbeau ?
Un corbeau.
Je m’approche doucement pour ne pas l’effrayer.
Il s’approche doucement pour ne pas m’effrayer.
Il me sourit.
C’est possible ça, un sourire de bec ?
Je crois que je le connais,
Intimement.
Je crois que chacune des plumes qui le parent
M’ont déjà paré un jour.
Un jour d’une autre vie,
Ou de celle-ci.
Un jour du passé
Ou d’aujourd’hui.
Peut-être même un jour de demain.
C’est confus, mais de son bec, il sourit toujours.
Et aussi de ses yeux,
Ses yeux de corvidés plein de malice
Aux reflets bleu-nuit du velours de ma chute.
Ses yeux-velours bleu-nuit m’enveloppe.
Et comme je me suis fondue dans l’arbre,
Il se fond en moi.
Étreinte plusqu’intime.
Nos pensées s’entremêlent.
Ses croassements sont mes mots,
Ou mes mots ses croassements,
En mots nous croassons je crois.
Son message est qu’il est là,
Tout le temps.
A jamais.
Pour toujours.
Et que tout ira bien.
Quoiqu’il se passe.
Que si la vie me dépasse,
Il me faudra juste fermer les yeux,
Retourner dans mon ventre,
Dans ma clairière rouge,
Me fondre dans l’indescriptible hêtre,
Et l’y retrouver.
Il dit que maintenant
Je sais.
Qu’il me faut voler jusqu’à la porte entrebâillée.
Remonter la chute velours,
Que dans ma réalité,
J’ai des tonnes de choses à vivre,
Qu’on expérimentera avec hâte,
Ensemble,
Et qu’on apprendra à se saturer
De toutes les couleurs de la Vie.